Comment la musique aide nos enfants à grandir

Auteur :

Bérénice Gaymard

Publié le 05/04/2023 • Mis à jour le 04/05/2023 •

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3 min.

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Vivre avec des enfants, c’est vivre entouré de musique. Et une fois les enfants couchés, la musique continue à vous hanter. Mais d’où viennent ces comptines ? Et pourquoi a-t-on pris l’habitude  parfois un peu envahissante  d’en chanter aux enfants ?

Indéniablement, le monde des enfants est musical. Comptines, ritournelles, chansons, jouets sonores… on ne peut pas y couper ! Mais pourquoi ? Est-ce une lubie d’adultes un peu nostalgiques ? Un coup bas des autres parents – ceux qui vous offrent des poupées aux voix nasillardes et des livres de comptines tonitruants ? En réalité, c’est une étape primordiale dans le développement de l’enfant. Et il ne s’agit pas uniquement de son audition…

Cela fait une vingtaine d’années seulement que la musique est entrée dans le champ de recherches de la biologie. Auparavant, son caractère non-essentiel l’en avait écartée : puisque l’on peut vivre, ou survivre, sans musique, cette discipline était considérée comme un ajout, une fioriture, un luxe que l’humain avait adjoint à sa palette de compétences au fil des siècles. Mais de nouvelles études aux résultats étonnants entrouvrent une nouvelle voie. Et si la musique était bien plus que de la musique ? Si elle était, pour les humains, un facteur de développement absolument essentiel ?

Une “symphonie neuronale”

C’est cette découverte récente que décrit Emmanuel Bigand, professeur chercheur en neurosciences cognitives à l'Université de Bourgogne et co-auteur avec Barbara Tillman de La Symphonie neuronale. Pourquoi la musique est indispensable au cerveau : “Quand on a eu accès à l’IRM, on a regardé comment les neurones traitent la musique”, explique-t-il au micro de Radio France. “On a été époustouflés. On a découvert des choses que l'on n’imaginait pas du tout.”

Tout commence donc en 2001, quand le chercheur allemand Eckart Altenmüller met en lumière un fait étonnant : il n’existe pas de zone cérébrale spécialisée dans le traitement de la musique. Bien au contraire ! L’écoute d’une mélodie provoque dans le cerveau une véritable “symphonie neuronale”, selon le terme utilisé par les spécialistes : de nombreuses zones du cerveau s’activent en même temps.

Évidemment, il y a les aires auditives, engagées dans la perception des sons, mais aussi les aires de la motricité (mouvements, danse), du langage (paroles, rimes), des émotions (souvenirs, valence émotionnelle du morceau), de la mémoire, de la représentation spatiale… et même les aires visuelles, qui associent parfois aux sons des formes, des couleurs et des textures. Chez les bébés et les jeunes enfants, écouter et jouer de la musique influence donc bien plus que le développement de leur audition.

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Un monde de sons

En 2009, Liisa Ukkola-Vuoti, de l’Université d’Helsinki, va encore plus loin. Elle met en évidence le rôle d’un gène (AVPR1A) sur les aptitudes musicales. Ce gène régule aussi une hormone (l’arginine vasopressine) qui favorise l’amitié, l’attachement et les capacités d’apprentissage !

“Cela veut dire que la musique a vraiment une importance dans l’évolution de l’humanité, qui va au-delà d’une activité de culture ou de loisirs, notamment pour le façonnement de notre cerveau et l’évolution de ce que nous sommes en tant qu’êtres humains.”
Emmanuel Bigand

Car l’aventure musicale commence tôt. Pendant la grossesse, un fœtus de 5 mois est déjà capable d’entendre une mélodie, puis de la reconnaître, sans l’avoir réentendue, jusqu’à l’âge d’un an. D’ailleurs, confrontés à des tâches de reconnaissance musicale, les bébés de 6 mois ont les mêmes réponses cérébrales que les adultes non-musiciens ! On sait aussi qu’ils sont plus sensibles à la voix de leur mère chantée plutôt que parlée, et que le chant maternel aide à réguler le cortisol, l’hormone du stress.

Et ça, c'est fondamental. Emmanuel Bigand a ainsi travaillé avec des bébés et des grands prématurés : “J’ai été frappé de voir l’impact de la musique dès les premières minutes de la vie. Il y a une prédisposition de l’espèce humaine à utiliser la musique comme un marqueur d’attachement à l’autre. Et l’attachement à l'autre quand on est un grand prématuré, ou même un bébé né à terme, c'est vital.”

"Il y a une prédisposition de l’espèce humaine à utiliser la musique comme un marqueur d’attachement à l’autre."
Emmanuel Bigand

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De la musique dans ma vie !

Forts de tout ça, comment bien intégrer la musique dans la vie de tous les jours ? “On ne va pas dire qu'il faut inscrire son enfant au conservatoire pour le rendre intelligent !, précise Emmanuel Bigand. Si l'enfant a envie de faire de la musique, il faut qu’il en fasse. S’il n’y a pas de plaisir, la neuroplasticité ne va pas se faire. On va perdre les éléments essentiels pour que la symphonie neuronale se mette en place.”

Nul besoin, donc, de rêver son fils en Mozart ou sa fille en concertiste pour utiliser la musique dans le quotidien. On peut par exemple intégrer des chansons ou des passages mélodiques dans la lecture du soir. “Cela permet de faire une pause dans le récit, de sortir de la lecture ‘scolaire’, explique Alice Godet, creative designer chez Bugali. Les parties chantées sont aussi celles que les enfants retiennent le mieux. C’est donc une bonne manière de faire passer un message, de diffuser l’information qu’on veut qu’ils retiennent.”

“Et l’ambiance sonore aide l’adulte à théâtraliser la lecture, qui devient plus vivante et plus rigolote.”
Si vous voulez inventer vos propres chansons, voici les conseils de Louis Duez, auteur de comptines chez Bugali : “La clé est dans la répétition. Les comptines sont des ritournelles avec deux ou trois accords en boucle, sur lesquels on ajoute des mots simples qu’on répète.” Ça peut même être des onomatopées ! Les bébés qui apprennent à produire des sons avec leur bouche en sont très friands. Et si on y ajoute des gestes rigolos, comme les mains qui font les marionnettes, le succès est assuré.

Alors, à vos comptines !

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