Enfants et écrans, juste une mise au point

Auteur :

Camille Poher

Publié le 05/10/2023 • Mis à jour le 20/10/2023 •

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4 min.

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C’est – une fois encore – le sujet de la rentrée. Impossible d’écouter, lire ou regarder les informations sans passer à côté du thème phare de chaque début d’année scolaire : les enfants et les écrans. Un débat éternel qui suscite des opinions très tranchées, souvent opposées et qui véhicule avec lui tout un tas d'interrogations, voire d’angoisses, chez de nombreux parents.

Âge, usage ou encore fréquence, il est chaque année plus compliqué de comprendre comment se positionner face aux écrans, d’autant que le sujet divise aussi la communauté scientifique. Kidologie vous propose de faire le point sur cet objet mystère, histoire de mieux comprendre ce qui est bon ou non pour votre enfant, et spoiler alert : c’est vous le mieux placé pour le savoir.

Les écrans font partie du quotidien de la majorité des foyers français, depuis des années. Avec la Covid-19, leur usage a cependant explosé, notamment chez les plus jeunes. Des parents affairés au télétravail et la fermeture des écoles ont ainsi poussé de nombreuses familles à avoir un recours grandissant aux télévisions, téléphones et ordinateurs pour occuper les plus petits. Selon une étude de la revue JAMA Pediatrics, parue en avril dernier, le temps moyen passé devant les écrans chez les enfants d’âge scolaire aurait ainsi augmenté de 1h35 par semaine.

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De son côté, Santé Publique France a précisé cette statistique en se concentrant sur la tranche d’âge des 3 à 5 ans. Selon l’agence nationale de santé publique, le temps moyen d’écran par jour pour un enfant de 3 ans serait ainsi de 56 minutes contre 1h34 pour un enfant de 5 ans. (Pour des informations plus détaillées, on vous a compilé plein de sources scientifiques à la fin de l'article !)

Des statistiques parfois interprétées à la va-vite et qui mènent trop souvent à la désinformation. À chaque rentrée, il n’est donc plus surprenant d’entendre parler de parents démissionnaires, d’enfants addicts ou pire, d’autisme dû à la surexposition aux écrans – ce qui n’est pas fondé scientifiquement.

De l’importance de l’interaction

Pourtant, s’il existe un consensus scientifique autour de la relation négative entre les excès de temps d’exposition aux écrans (plus de 4 à 6h d’affilée par jour) et le développement de certains domaines de la cognition chez les plus jeunes, une variable majeure doit être prise en compte : le contexte d’exposition. C’est en tout cas ce que nous explique Pauline Martinot, médecin, doctorante en neurosciences et ancienne conseillère du ministre de la santé en prévention, santé mentale, jeunesse, santé des enfants, santé des femmes et sport santé.

"Le temps d’écran n’est pas le seul facteur qui compte, puisque le contexte dans lequel a lieu l’utilisation de ce dernier est essentiel." 
Pauline Martinot 

En d’autres termes, ce n’est pas l’écran en tant que tel qui est dangereux ou nocif pour l’enfant mais c’est comment on le regarde. Prenons l’exemple concret de la télévision à table. “Le repas doit être un temps de partage, où l’enfant revient sur sa journée, verbalise son quotidien. Un bruit de fond, émis par un écran de télévision, perturbe l’interaction et l’attention réelle, nous explique ainsi Pauline Martinot.

Autre exemple, celui du dessin animé dans le salon en guise de temps calme. “Coller son enfant seul devant un écran et ne plus interagir avec lui n’aura pas du tout le même effet que de partager un moment familial privilégié à deux devant un dessin animé, avec un contenu adapté à l’enfant pour qu’il enrichisse son vocabulaire et soit exposé à une grammaire et un langage élaborés”, nous détaille ainsi la neuroscientifique. Si le temps d’écran s’avère être le même, l'interaction est pourtant bien différente.

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Autre exemple, l’après écran. Si votre enfant a regardé son dessin animé tout seul, pensez ensuite à revenir sur le visionnage de ce dernier. Prendre le temps de discuter avec l’enfant, l’aider à verbaliser ce qu’il a vu sur l’écran mais aussi répéter avec lui le nouveau vocabulaire acquis est une véritable façon de créer du lien. "Dès que l’enfant interagit avec un adulte à la suite du visionnage d’un écran, cela permet de consolider ce qu’il a appris grâce au contenu de cet écran. Les enfants issus de l’immigration apprennent plus sur la grammaire et la langue du pays en visionnant un écran avec un contenu adapté, et en pratiquant ce qu’ils y ont appris, plutôt que de ne pas être stimulés ou qu’on ne s’occupe pas d’eux", précise Pauline Martinot. Une fois encore, c’est l’interaction qui va primer sur l’effet direct de l’exposition à l’écran.

Et cet écran justement, il peut aussi être nocif si c’est le parent qui le visionne. “Interdire les écrans à son enfant mais répondre à moitié à ses sollicitations parce qu'on est soi-même sur son ordinateur n’a pas de sens”, explique Pauline Martinot. Au-delà de l'écran, ce que tente en effet d’expliquer la docteure est plutôt l’importance du lien parent-enfant dans le développement cognitif. Le problème serait donc ailleurs ?

“L’enfant a besoin de temps et d’attention réelle pour se développer correctement.”
Pauline Martinot

La lecture comme lien parent-enfant

L’écran, s’il vient trop capter, absorber, accaparer même l’attention de l’enfant mais aussi de l’ensemble des membres de la famille, va ainsi interférer sur la quantité et la qualité des interactions au sein du foyer. C’est cette interférence qui peut, à terme, s'avérer nocive sur les plans cognitifs. “Vocabulaire de l’enfant, expression du langage, sommeil ou encore surpoids, les risques sont nombreux si les interactions réelles de l’enfant sont remplacées par un écran”, explique Pauline Martinot.

Pour la scientifique, qui a été conseillère de François Braun au ministère de la santé et de la prévention, plutôt que de marteler le danger des écrans, il serait important de rappeler le bienfait de la lecture et des comptines. Des moments partagés qui stimulent le vocabulaire, l’attention, le langage mais aussi la motricité fine.

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La lecture permet également de stimuler tout à la fois l’imagination et la créativité dès le plus jeune âge. Mais surtout, lire et chanter pour passer un moment ensemble, sacraliser un instant de partage et créer une interaction privilégiée est essentiel. Quant aux écrans, pour Pauline Martinot, il est essentiel de “déculpabiliser les parents” sur le sujet, et qu’ils se fassent confiance sur le bien-être de leur enfant.

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