Pourquoi lire des histoires rend nos enfants plus empathiques

Auteur :

Aurélie Gameiro

Publié le 13/10/2023 • Mis à jour le 20/10/2023 •

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La lecture, et en particulier la fiction, ont de nombreux bienfaits. Et parmi eux, une incroyable capacité à développer l’empathie chez les petits comme chez les grands.

C’est peut-être l’un des seuls sujets sur lesquels la terre entière s’accorde : l’importance de la lecture chez nos chers bambins, et cela avant même qu’ils apprennent à lire ou que leur vision soit complète. On pointe ainsi souvent l’effet bénéfique des histoires sur le développement de l’imaginaire. Les professeurs des écoles insisteront quant à eux sur l’intérêt pédagogique : une histoire par jour enrichit significativement le vocabulaire des enfants, parole de chercheurs !

Au-delà de ces avantages non négligeables, et outre le pouvoir magique de la fiction qui permet d’occuper pendant quelques minutes bénies votre progéniture, celle-ci a l’immense vertu de développer l’empathie. Explications.

Avant l’empathie, la théorie de l’esprit

Démocratisée en 1978 par les éthologues David Permarck et Guy Woodruff, la théorie de l’esprit (Theory of Mind) tient moins de la théorie que de la capacité à déduire et comprendre les états mentaux (émotions, sentiments, pensées, désirs, craintes…) d’autrui. Une aptitude permettant, in fine, de prédire et d’anticiper les réactions à venir. Souvent confondue avec l’empathie, la théorie de l’esprit en est la condition sine qua non.

"Là où la ToM permet de comprendre ses émotions et celles d’autrui, l’empathie, elle, permet de les partager"

Cela s’opère par un système impliquant des neurones ”miroirs” dans le cortex frontal inférieur, supérieur et pariétal postérieur (mais ça c’est juste bon pour frimer en société).

Autrement dit, la théorie de l’esprit est centrale pour comprendre le monde qui nous entoure. C’est ce qui permet à l’enfant de deux ans de "jouer à faire semblant”, d’accepter, ou non, que son parent souhaite quelque chose de différent de lui (par exemple, dormir) et à celui de trois ans d’exprimer les ressentis d’autrui. Toutefois, c’est entre les âges de 4 et 6 ans que la ToM atteint son cap le plus crucial. Celui où l’enfant intègre que sa pensée et ses connaissances peuvent ne pas refléter le monde réel. C’est-à-dire quand il se rend compte que non, il n’a pas la vérité absolue. Ou, dans le jargon des psychologues et experts de l’enfance, quand il passe le test des fausses croyances.

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La Reine des neiges 3 : le test des fausses croyances

Imaginons : un individu A, Anna et un individu B, Elsa. Ensemble, elles décident de ranger la tiare d’Arendelle dans la malle bleue de la salle du trône. Plus tard, Anna se dit que, pour plus de sécurité (nous parlons tout de même des joyaux de la couronne), il serait plus prudent de ranger la tiare dans le placard violet qui contient un coffre-fort. Ce qu’elle fait sans prévenir sa grande sœur, probablement occupée à chanter une chanson insupportable. Quand Elsa revient dans la salle du trône, où va-t-elle chercher la couronne ?

Si l’enfant répond “dans le placard violet”, il échoue au test des fausses croyances. Il n’arrive pas à projeter que ses croyances (ici la connaissance de l’emplacement de l’objet) ne sont pas les mêmes que celles d’autrui. Au contraire, s’il répond “dans la malle bleue”, il passe le test haut la main.

La fiction comme moyen de développer la Théorie de l’esprit

Dans l’une des premières expériences des fausses croyances réalisées, aucun des enfants de 3-4 ans ne répondait correctement, pointant souvent l’emplacement de la tiare et non pas là où Elsa irait la chercher. Mais 57 % des 4-6 ans et 86 % des 6-9 ans validaient le test. Si l’âge est donc une donnée déterminante dans le développement de la théorie de l’esprit, des facteurs externes permettent d'accélérer son apprentissage. Parmi eux : l’exposition aux œuvres de fiction.

Une expérience de 2010 révélait ainsi que les enfants de 4 à 6 ans dont les parents connaissaient et lisaient de nombreux livres d’images réussissaient de 27 à 34 % mieux les tests de fausses croyances que les autres. Mais si nous connaissons le résultat final, cela ne nous explique rien du pourquoi du comment. Heureusement, de nombreux scientifiques se sont posé la question.

Les enfants de 4 à 6 ans dont les parents connaissent et lisent de nombreux livres d’images réussissent de 27 à 34 % mieux les tests de fausses croyances

En épluchant 90 livres de jeunesse, les chercheurs Dyer, Shatz et Wellman ont remarqué que, toutes les trois phrases, l’histoire faisait référence à l’état mental des protagonistes. Une tendance qui n’est pas nouvelle. Selon une étude réalisée en 1998, 78% des livres lus par un groupe de jeunes parents comprenaient déjà des éléments faisant référence à l’état mental. Plus intéressant encore : un tiers d’entre eux mettaient clairement en scène une situation de fausses croyances !

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Autrement dit, au travers de la fiction, grâce au vocabulaire utilisé et à une intrigue mettant souvent en scène des émotions, l’enfant se projette dans l’histoire. Il apprend à reconnaître les différents états mentaux, à les comprendre jusqu’à développer sa théorie de l’esprit et devenir un être plein d’empathie. Vous savez donc ce qu’il vous reste à faire pour que votre enfant décroche le prix Nobel de la paix !

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